Encyclopedia Cthuliana
August Derleth
- August Derleth
August William Derleth, né le 24 février 1909 à Sauk City dans le Wisconsin et mort le 4 juillet 1971 dans la même ville, est un écrivain et anthologiste américain. Bien qu'il soit surtout connu pour avoir été le premier à publier les écrits de H. P. Lovecraft et pour ses propres contributions au Mythe de Cthulhu, Derleth est également un écrivain régionaliste notable. Il produit par ailleurs de la fiction historique, de la poésie, des romans policiers, de la science-fiction et des biographies.
Titulaire de la Bourse Guggenheim en 1938, Derleth considère la Sac Prairie Saga comme son travail le plus sérieux ; il s'agit d'une série de fictions, fictions historiques et de travaux naturalistes destinés à saisir la vie dans le Wisconsin telle qu'il la connaît.
Derleth et Lovecraft
Contemporain du « Maître de Providence », la première rencontre entre Derleth et Lovecraft est épistolaire (ils ne se rencontreront d'ailleurs jamais physiquement). En 1926, Derleth, alors âgé de 17 ans, envoie une lettre à Lovecraft, dans le simple but de lui demander un renseignement concernant la manière d'aborder un récit fantastique. Cette première correspondance constitue le point de départ d'une longue amitié qui durera 12 ans, jusqu'à la mort de Lovecraft. Ce dernier (qui surnommait affectueusement Derleth « le gamin ») fit même apparaître son correspondant, sous forme de clin d'œil dans plusieurs de ses nouvelles sous l'identité du Comte d'Erlette, gentilhomme français du XVIIIe siècle (Derleth avait, semble-t-il, une lointaine ascendance française), auteur d'un des grimoires blasphématoires du Mythe de Cthulhu : le sinistre Culte des Goules.
Pendant toutes ces années, August Derleth gagne sa vie comme enseignant (il est membre du comité directeur et de la "Parent-Teacher Association" - organisme typiquement anglo saxon regroupant les enseignants et parents d'élèves - du lycée de Sauk City), nouvelliste, romancier et animateur de séminaires d'écriture. Il collabore régulièrement à Weird Tales et sert même de médiateur entre Farnsworth Wright, le rédacteur en chef du magazine et Lovecraft, qui ne s'appréciaient guère, Wright refusant de publier les nouvelles de Lovecraft qu'il jugeait en inadéquation avec la ligne éditoriale du magazine. C'est notamment grâce à l'intervention de Derleth que ce dernier publie « La Maison de la sorcière » en 1933. Durant tout ce temps, la production littéraire de Derleth s'oriente essentiellement vers le fantastique, tout en commençant à se tourner vers l'écriture de polars.
Arkham House
La mort de Lovecraft affecte énormément Derleth, qui estime de son devoir de faire connaître au plus grand nombre l'œuvre du « maître de Providence ». Après avoir récupéré des monceaux de manuscrits incomplets, de textes inachevés et de notes de travail de Lovecraft auprès de Robert H. Barlow, son exécuteur littéraire, il fonde en collaboration avec Donald Wandrei la maison d'édition Arkham House, en 1939, consacrée à l'œuvre de HPL. Dès lors, Derleth se pose comme le continuateur de Lovecraft, développant la cosmogonie de ce dernier, achevant les histoires incomplètes que ce dernier avait laissées derrière lui ou, bien souvent, créant de nouvelles histoires complètes à partir de simples idées qui parfois ne dépassaient quelques mots. En 1939, Arkham House publie son premier recueil lovecraftien, « The Outsider and Others », puis en 1941 « Someone in the Dark », une série de contes et de nouvelles écrites par Derleth à partir de notes fragmentaires de Lovecraft. Une partie des textes de ces deux ouvrages est traduite en français et publiée sous le titre « Le rôdeur devant le seuil ». En 1943 paraît « Beyond the Wall of Sleep » qui contient entre autres les deux courts romans « La Quête onirique de Kadath l'inconnue » et « L'Affaire Charles Dexter Ward », puis en 1949, « Something about Cats and Other Pieces », un recueil d'essais sur divers sujets. Enfin, à partir de 1965, il entreprend la publication des « Selected Letters » de Lovecraft en cinq volumes, dont il ne voit pas la fin.
Dans le même temps, plusieurs dizaines d'anthologies, de pastiches et de recueils sont produites par Arkham House. La plupart sont traduites en français et publiées chez Presses Pocket sous les titres suivants : Le Masque de Cthulhu (1958), La Trace de Cthulhu (1962), L'Ombre venue de l'espace (1971), L'Amulette Tibétaine (1985) et Le Fantôme du Lac (1987). Derleth, par respect envers Lovecraft, qualifiait les histoires contenues dans ces recueils de « collaborations posthumes », mais il en était bien l'unique auteur. Soucieux de perpétuer le Mythe et de lui offrir une nouvelle jeunesse, il encouragea le jeune écrivain anglais Ramsey Campbell à publier « L'Habitant du Lac » (un recueil de nouvelles) en 1964. Puis, en 1971, c'est au tour de Brian Lumley (britannique lui aussi) de contribuer à l'enrichissement du Mythe grâce au cycle de Titus Crow (publié en France en deux volumes : l'Invincible Cthulhu et l'Abominable Cthulhu). En dépit des reproches adressés à ces auteurs, et en premier lieu à Derleth lui-même, par les puristes lovecraftiens (la plupart des critiques portant sur l'impossibilité d'associer le style lovecraftien et un récit d'aventures classique voyant les héros gagner à la fin), ce sont ces auteurs qui parviennent à perpétuer les créations de Lovecraft et créer l'intemporalité du Mythe de Cthulhu.
La plupart de ces textes (ainsi que d'autres, restés inédits en français) sont ensuite compilés dans les trois tomes de L'anthologie Lovecraft, publiée dans la collection Bouquins, sous la direction de Francis Lacassin, à l'exception du cycle de Titus Crow de Lumley, publié chez Fleuve noir.
Les apports contradictoires de Derleth au Mythe de Cthulhu
Créateur de l'expression « Mythe de Cthulhu », Derleth contribue à ouvrir de nouvelles perspectives pour ce dernier. Toutefois, l'œuvre de Derleth, marquée par son essence fondamentalement chrétienne, s'éloigne des aspects purement matérialistes et athées développés par Lovecraft. L'un des apports les plus contestés de Derleth est son obsession à vouloir créer un panthéon de divinités bénéfiques ayant autrefois vaincu les Grands Anciens, et disposées à aider l'humanité face aux horreurs d'outre-espace. Indéniablement, la présence chez Derleth de ces « anges gardiens » contribue à tuer une partie de l'horreur primordiale inspirée par les allusions macabres à la destruction finale et inéluctable de l'humanité. Conséquemment, de nombreux critiques reprochent à Derleth d'avoir amoindri la portée de la vision cosmique lovecraftienne en la replaçant dans un contexte manichéen d'opposition du bien et du mal, résolument étranger à l'œuvre du « maître de Providence ». En outre, des réserves sont émises quant à l'intérêt littéraire des apports de Derleth ; George W. Barlow en parle ainsi d'un « pisse-copie sans génie (ni même talent) » dans le numéro 269 de Fiction ().
Parmi les inventions de Derleth, on compte Hastur (Celui Qu'on Ne Peut Nommer ; Hastur est en fait apparu pour la première fois dans Haïta le Berger, d'Ambrose Bierce, avant d'être cité à nouveau par Robert W. Chambers puis H. P. Lovecraft, et c'est bien Derleth qui va développer sa description et le rattacher au Mythe dans sa nouvelle « Le Retour d'Hastur »), Lloigor, Ithaqua (Le Marcheur du Vent), le peuple Tcho-Tcho ou encore le professeur Laban Shrewsbury.
Derleth, l'écrivain
Outre son rôle de continuateur et de pasticheur de Lovecraft, le prolifique écrivain Derleth publie au cours de sa vie près de 150 nouvelles et articles, et pas moins de 100 romans, dont une grande partie reste inédite en français. Les domaines qu'aborde Derleth sont vastes : fantastique bien sûr, mais aussi policier, philosophie, poésie, science-fiction ou encore essais sociologiques. Il produisit également des contes pour enfants et des introductions pour quelques collections de bandes dessinées américaines comme Buster Brown ou Katzenjammer Kids ("Pim, Pam, Poum", en français).
Sa création personnelle la plus connue reste le personnage de Solar Pons, détective privé britannique, parodie de Sherlock Holmes (Derleth entretient par ailleurs dans sa jeunesse une courte correspondance avec Arthur Conan Doyle) que Pons rencontre parfois lors de pastiches et d'épisodes crossover. Plusieurs nouvelles et romans mettant en scène ce personnage sont publiées sous les pseudonymes de Stephen Grendon, Kenyon Holmes ou encore Tally Mason.
Dans ses œuvres les plus personnelles, il faudrait aussi retenir une série de romans à caractère autobiographique situés dans son Wisconsin natal, dont les premières ébauches ont suscité l'admiration de Lovecraft. Parmi ceux-ci, « Place of Hawks » (1935) ou « Evening in Spring » (1941).
Après sa mort, ses notes, textes et autres ébauches sont offertes à la Wisconsin Historical Society de Madison.
Cette page est largement inspirée de sa page Wikipedia.